Que se passe-t-il lorsqu’un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle congédie tous les avocats successivement désignés ?

En l’état actuel des textes, le bâtonnier ne peut pas refuser de désigner un avocat au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Il convient de concilier cette obligation, qui relève de la mission de service public impartie aux Ordres, avec la responsabilité de l’avocat. L’avocat désigné se doit de conseiller le client bénéficiaire de l’AJ quant à l’opportunité de l’action envisagée. A défaut, il doit s’efforcer de convaincre le client de renoncer à son action, lui adresser une lettre recommandée avec accusé de réception pour décliner sa responsabilité en cas d’échec, en le prévenant de toutes les conséquences possibles (dépens, dommages et intérêts, etc.). Il est d’usage également que le bâtonnier s’auto-désigne après des décharges successives.

Toutefois, des circonstances particulières doivent pouvoir justifier de déroger à cette obligation, sans risque pour le bâtonnier d’engager sa responsabilité.

Le tribunal correctionnel de Meaux, par jugement du 5 septembre 2016, a ainsi relaxé deux avocats cités à comparaître pour escroquerie. La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 14 février 2017, a considéré que le justiciable s’est privé de défenseur par son attitude. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 6 oct. 2016, Jemeljanovs c. Lettonie, req. n° 37364/05) a par ailleurs rejeté la requête d’un homme qui a congédié, à deux reprises, les avocats qui lui avaient été commis d’office, en raison d’un désaccord sur la stratégie de défense.

La Cour de cassation n’a pas encore eu à se prononcer sur cette question mais, s’il lui en est donné l’occasion, il est probable qu’elle s’en tienne à la législation, sans pour autant ignorer la difficulté. Sa position de principe est exprimée dans un arrêt de sa 2èmechambre civile du 22 septembre 2016 (pourvoi n° 15-21625). Au visa des articles 6 de la CEDH et 25 de la loi relative à l’aide juridique, elle a considéré que l’assistance par avocat doit constituer un droit « concret et effectif ». Elle paraît toutefois admettre implicitement que le bâtonnier puisse à un moment considérer qu’il est dans « l'impossibilité […] de procéder à une désignation, plusieurs avocats ayant antérieurement demandé à être déchargés ou l'ayant été par l'intéressé lui-même » (Cass. crim. 31 mai 2016, n° 15-85157).

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